Un cépage fantastique, qui renaît grâce à des producteurs et des passionnés emblématiques
L’Italie est le pays qui compte le plus grand nombre de cépages autochtones, plus de 350 selon les estimations officielles. Un chiffre impressionnant si l’on pense que 80 d’entre elles couvrent 75 % de la surface viticole, alors qu’en France voisine, le même pourcentage n’est composé que d’une vingtaine d’espèces. L’un des cépages locaux les plus populaires est le Timorasso, un cépage qui a failli échapper à l’extinction grâce à son producteur le plus emblématique, Walter Massa. Nous sommes dans la province d’Alessandria, plus précisément dans la zone des Colli Tortonesi, où le Val Borbera et le Val Grue alternent avec le Curone et l’Ossona. Tortona, baptisée Derthona par les Romains, prête son nom antique à la sous-zone créée en 2020 par le Consorzio Tutela Vini dei Colli Tortonesi, qui vise à apporter du prestige à ce qui est l’habitat par excellence du Timorasso. Un Piémont un peu différent de celui d’autres zones appropriées, comme les Langhe et Monferrato : ici, en effet, les sols argileux contiennent une forte composante calcaire, qui forme dans certaines zones la précieuse Marna di Sant’Agata, le même sous-sol qui se trouve sous les vignes du Barolo. La position ensoleillée, à l’abri des vents, garantit une maturation optimale des raisins et une qualité particulière lorsque l’altitude des vignes dépasse 250 mètres au-dessus du niveau de la mer. Le Timorasso n’est pas un cépage facile, il a des exigences précises et une sensibilité particulière à la pourriture. Il nécessite également une gestion attentive du feuillage pendant la période estivale, afin d’obtenir un rendement de 60-65 quintaux par hectare et d’enrayer le problème de la productivité inconstante. Pour ces raisons et d’autres encore, il a été arraché par le passé au profit du Barbera et du Cortese, plus productifs et moins compliqués à cultiver, au point de disparaître. Le déclin inexorable a été inversé dans les années 1980, lorsque Walter Massa a décidé de valoriser cette espèce, qui avait des gènes en commun avec des cépages noirs comme le Riesling et le Viognier, et qui avait donc le potentiel de se présenter comme un correspondant blanc aux nobles rouges des Langhe ; un symbole de typicité dans un scénario de plus en plus standardisé. En 1987, le premier millésime a été élaboré en cépage unique, mais le véritable tournant a eu lieu en 1995, lorsque le vigneron s’est rendu compte que ce vin avait besoin de temps pour s’exprimer au mieux et a mis sur le marché le « Costa del Vento », un an et demi après la récolte. C’est à ce moment que le Timorasso, rigoureusement affiné dans l’acier puis en bouteille, s’est présenté comme le vin de grande structure et acidité que nous connaissons aujourd’hui. Un « vin rouge habillé de blanc », comme en témoigne l’extrait minimal de 17 grammes/litre, caractérisé par une fine sapidité et de fortes notes minérales et iodées qui deviennent de plus en plus élégantes avec le vieillissement. Inutile de dire que lorsqu’il est arrivé sur le marché, il a été un succès. De cette petite production de 1987 sont nés les 175 hectares de vignes actuels, qui atteindront bientôt les 350 hectares. Une belle revanche pour tous ces vignerons qui, en des temps insoupçonnés, ont cru en leur territoire.