Le produit sicilien d’excellence a été le premier chocolat européen, en 2018, à recevoir le célèbre certificat d’Indication Géographique Protégée. Toutefois, la controverse n’a pas manqué sur le cahier des charges
Une tradition millénaire parsemée de rencontres, d’échanges et de dominations étrangères. Un patrimoine culturel aux proportions incroyables, des nuances de la mer Méditerranée aux sites archéologiques parmi les plus célèbres d’Europe, en passant par un riche secteur oenograstronomique. Il y a peu d’endroits qui, comme la Sicile, peuvent se targuer d’une telle excellence.
Palerme, Catane, Agrigente, mais aussi Enna, Noto, Siracusa, ne sont que quelques-uns des beaux endroits qui font de l’île l’une des destinations de vacances les plus populaires tout au long de l’année.
L’ancienne commune sicilienne de Val di Noto est Modica, un magnifique labyrinthe de ruelles, d’escaliers et de palais qui, comme des photographies, marquent et rappellent aux touristes la riche et séculaire histoire de la ville. Ajoutée en 2002 à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, Modica, en plus de nombreux chefs-d’œuvre historiques et architecturaux, offre une tradition gastronomique unique : on parle du célèbre chocolat de Modica.
Modica et son chocolat : l’histoire
L’histoire du chocolat de Modica remonte à la période de la domination espagnole sur la Trinacria. Après la découverte de l’Amérique, les Espagnols ont apporté à l’Europe, et donc aussi à la Sicile, le Xocoàtl, une boisson aztèque composée d’eau et de chocolat. Au-delà des fèves de cacao, les « outils du métier » étaient également importés, c’est-à-dire les outils que les Aztèques utilisaient habituellement pour la création du chocolat. Un de ceux-ci est le métate, une pierre courbe particulière, chauffée par un brasier sous-jacent, à la surface duquel les fèves étaient broyées à l’aide d’un piston.
Mais quelle est la particularité du chocolat de Modica ? La principale caractéristique se trouve dans le travail à froid : la température à la surface du métate est en effet maintenue entre quarante-deux et quarante-cinq degrés, solution qui empêche la dissolution des cristaux de sucre. Le résultat est un chocolat à la consistance unique, doté d’une rugosité marquée. Avec l’avènement de la révolution industrielle au XIXe siècle, le cycle de production du chocolat a été progressivement modifié par l’inclusion d’étapes telles que le tempérage et le conchage.
À Modica, cependant, le processus traditionnel du travail à froid a été préservé jusqu’à aujourd’hui. Mais pour quelles raisons ?
Les raisons de cette tradition séculaire se trouvent dans la forte influence que le Royaume d’Espagne a exercé sur la belle ville sicilienne, mais pas seulement : cette recette particulière est restée dans les livres de recettes et dans le cœur de la population, des grandes familles aux vendeurs de rue, en passant par les confiseries historiques.
Au début des années 90, certains des producteurs les plus représentatifs du chocolat de Modica, dont Franco Ruta, propriétaire de l’illustre Antica Dolceria Bonajuto, se sont donc engagés à ramener cette excellence absolue à sa gloire d’antan.
Grâce à cette préparation unique et très particulière, le chocolat de Modica est devenu, à l’automne 2018, le premier chocolat européen à recevoir le célèbre label IGP.
Tout ce qui brille n’est pas de l’or….
Si, d’une part, la reconnaissance du label IGP a donné au chocolat de Modica sa fierté et son lustre international, d’autre part, le cahier des charges a poussé de nombreux producteurs à faire la fine bouche. Les raisons sont simples : le document ne mentionne pas l’histoire millénaire du chocolat et son arrivée en Sicile. L’histoire du produit commence par l’utilisation faite par les grandes familles de Modica à partir du 18ème siècle. Il ne faut pas sous-estimer la question des méthodes de production : le statut laisse en effet beaucoup (peut-être trop) de liberté quant à l’utilisation des matières premières, le cacao en premier lieu. Le risque est évidemment celui de pouvoir trouver sur le marché des tablettes de chocolat de Modica IGP avec une pâte de cacao amère de qualité douteuse. Cela ne rendrait aucunement justice à un produit d’excellence tel que le chocolat de Modica.
Pour ces raisons, d’importants producteurs, dont ledit Bonajuto, ont décidé de rester en dehors du Consortium qui protège actuellement le label.
Donna Elvira et le bean-to-bar
C’est précisément pour éviter des problèmes concernant la qualité des ingrédients utilisés que Donna Elvira, une grande petite chocolaterie artisanale, a choisi de rejoindre le Consortium pour la protection de ses produits, en se concentrant autant que possible sur l’excellence du produit. À ce jour, il est en effet le seul producteur à avoir décidé de transformer l’ensemble de son laboratoire en bean-to-bar. Cela implique une étude complexe, une sélection minutieuse des meilleures fèves de cacao du monde et, bien sûr, l’ensemble du processus de production réalisé dans la maison. Mais pour Elvira, la qualité dépend aussi de ces détails, car, grâce au travail à froid, les nuances aromatiques des différents types de cacao utilisés restent presque intactes et clairement perceptibles au palais.